Comprendre le fonctionnement autistique en formation
Qu’est-ce que le TSA (troubles du spectre de l’autisme) ?
Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) désigne un ensemble de particularités neurodéveloppementales qui affectent notamment la communication sociale, les interactions et les comportements sensoriels ou répétitifs. Il ne s’agit pas d’une maladie ni d’un déficit intellectuel : de nombreuses personnes autistes ont des compétences fortes dans des domaines ciblés.
Le mot “spectre” rappelle que l’autisme ne se manifeste pas de la même façon d’une personne à l’autre. Certaines auront besoin d’un accompagnement soutenu, d’autres sont autonomes mais peuvent avoir des difficultés invisibles dans un cadre de formation (fatigue cognitive, surcharge sensorielle, incompréhension implicite…).
Cognition, attention, communication : quelles spécificités pédagogiques avec l’autisme ?
Chez une personne autiste, la perception du monde peut être différente. Ce n’est pas un défaut, mais une variation du traitement de l’information.
En formation, cela peut se traduire par :
- Une attention fluctuante (liée à la fatigue ou à la surcharge)
- Une mémoire précise sur certains sujets, mais une difficulté à faire des liens implicites
- Une compréhension littérale du langage (les sous-entendus, métaphores ou blagues peuvent poser problème)
- Une communication verbale ou non verbale atypique.
Pour un formateur, cela implique de clarifier ses consignes, de ne pas surinterpréter les silences, et d’être attentif aux signes de retrait ou de stress non verbalisés.
L’importance de la clarté, de la structure et du cadre pour un adulte autiste
Les adultes autistes évoluent mieux dans un environnement prévisible et structuré. Cela signifie :
- Un cadre de formation clairement annoncé (objectifs, déroulé, modalités d’évaluation)
- Des transitions explicites entre les étapes
- Des supports hiérarchisés (titres, puces, repères visuels…)
- Des temps de pause annoncés à l’avance
Ce besoin de clarté n’est pas une exigence supplémentaire : il profite à tous les stagiaires, surtout dans un contexte d’apprentissage intensif ou hybride.
Exemple : Émilie anime une formation Excel pour adultes en reconversion. L’un de ses stagiaires, Antoine, semble parfois “ailleurs”, ne répond pas aux questions ouvertes, mais fournit des travaux très précis et cohérents. En échangeant avec lui en fin de journée, elle comprend qu’il est autiste et qu’il a besoin de consignes écrites, d’un déroulé clair et d’un cadre prévisible. Elle adapte simplement ses supports, annonce les étapes à venir, et Antoine devient de plus en plus à l’aise, participant même activement aux exercices.
Adapter sa posture de formateur avec un public autiste
Créer un environnement prévisible et sécurisé
La formation peut être une source d’angoisse pour un adulte autiste, surtout si le cadre change sans avertissement ou si les attentes sont floues. Ce stress n’est pas toujours exprimé verbalement, mais peut se traduire par du retrait, une fatigue soudaine, voire une impossibilité à participer.
En tant que formateur, il est essentiel de poser un cadre stable, clair et anticipable. Cela passe par la communication en amont (objectifs, déroulé, horaires), des repères temporels constants, et la verbalisation de tout changement à venir. Ces ajustements simples permettent d’éviter les malentendus et les situations de blocage.
Individualiser les consignes et supports
De nombreux adultes autistes comprennent mieux les informations lorsqu’elles sont visuelles, structurées ou reformulées. Certains peuvent aussi être à l’aise à l’écrit, mais bloquer à l’oral — ou inversement. Il est donc important de varier les canaux de transmission, et de laisser la possibilité à chacun de s’approprier les consignes à son rythme.
Concrètement, cela peut consister à :
- Afficher les objectifs et étapes de l’atelier sur un support visuel
- Proposer les consignes à l’oral et à l’écrit
- Laisser un temps de traitement avant de demander une réponse
Respecter le besoin d’isolement ou de pauses sensorielles
Certains adultes autistes peuvent ressentir une surcharge sensorielle ou cognitive au fil de la journée. Cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas motivés, mais simplement qu’ils ont besoin d’un temps de retrait, sans interaction.
Respecter ce besoin, sans interprétation négative, fait partie d’une posture de bienveillance professionnelle. Cela peut passer par l’autorisation de s’absenter quelques minutes, par un espace calme clairement identifié, ou par une tolérance assumée au fait de ne pas participer à tous les temps collectifs.
Exemple : Joris anime une formation sur la posture commerciale. L’une de ses stagiaires, Leïla, très investie, quitte parfois la salle quelques minutes sans prévenir. Après un échange en aparté, il découvre qu’elle est autiste et qu’elle a besoin de se recentrer dans des moments de surcharge. Il met en place un espace calme et lui propose de prévenir discrètement par un signe convenu. Résultat : Leïla se sent respectée et reste engagée tout au long de la formation.
Les bonnes pratiques pédagogiques avec l’autisme
Varier les modalités : visuel, oral, pratique
Les personnes autistes ont souvent un profil d’apprentissage spécifique. Certains comprennent mieux avec des schémas ou des démonstrations concrètes, d’autres retiennent plus facilement ce qu’ils lisent ou manipulent. Miser sur une diversité des supports permet à chacun de s’approprier le contenu.
En tant que formateur, vous pouvez :
- Alterner entre exposés oraux, supports écrits et mises en situation
- Illustrer vos propos par des exemples visuels ou des schémas simples
- Proposer, dans la mesure du possible, une expérience concrète
Cette variété pédagogique est non seulement bénéfique pour les personnes autistes, mais elle améliore l’engagement global du groupe.
Rythmer la formation pour préserver l’attention
L’attention peut être plus fragile ou plus sélective chez certaines personnes autistes. La fatigue cognitive peut apparaître rapidement, surtout lorsque la formation est dense ou les interactions nombreuses.
Pour favoriser une meilleure concentration :
- Limitez les séquences trop longues ou monotones
- Introduisez des pauses régulières, annoncées à l’avance
- Segmentez le contenu en blocs cohérents avec des objectifs explicites
Ce rythme plus fluide améliore la compréhension et la mémorisation pour tous, y compris les profils non autistes.
Évaluer autrement : valoriser les compétences autrement que par l’oral
Certaines personnes autistes peuvent être très compétentes, mais avoir du mal à s’exprimer à l’oral, à improviser ou à répondre dans un format classique de présentation. Cela ne signifie pas qu’elles ne maîtrisent pas le contenu.
Vous pouvez :
- Proposer des supports d’évaluation différenciés (document écrit, démonstration pratique, plan d’action structuré…)
- Laisser un temps de préparation plus long ou plus cadré
- Favoriser l’autoévaluation guidée ou la reformulation écrite.
L’important est de rester centré sur les compétences attendues, pas sur la forme de restitution.
Exemple : Maëlle forme des porteurs de projet à la création d’entreprise. L’un des stagiaires, Hugo, a des difficultés à intervenir à l’oral, mais présente une analyse écrite claire et structurée. Elle lui propose de rendre son étude de marché à l’écrit, avec un complément facultatif oral. Ce simple aménagement lui permet de valoriser ses compétences sans le pénaliser pour sa difficulté à s’exprimer en groupe.
Élargir à une pédagogie inclusive pour tous
Pourquoi ce qui fonctionne pour les personnes autistes profite souvent à tous
Les aménagements pédagogiques pensés pour les personnes autistes améliorent souvent l’expérience d’apprentissage de l’ensemble des stagiaires. En rendant la formation plus claire, plus lisible et mieux structurée, vous facilitez la compréhension pour tous.
Quelques exemples de bénéfices partagés :
- Une consigne formulée clairement réduit les mauvaises interprétations et donc les malentendus
- Une pause anticipée permet à chacun de mieux gérer sa concentration
- Un support visuel synthétique aide à mémoriser les points essentiels
Autrement dit, en visant l’accessibilité pour une minorité, vous facilitez l’apprentissage des compétences pour la majorité.
Favoriser la clarté et la vulgarisation
Adopter une pédagogie inclusive, c’est aussi accepter de renoncer au jargon et de rendre accessibles des concepts complexes. Cela ne signifie pas simplifier à l’excès, mais au contraire, rendre votre contenu exploitable en autonomie.
Quelques leviers :
- Reformuler les termes techniques ou abstraits
- Utiliser des exemples concrets et proches du vécu
- Proposer un fil rouge, des repères visuels ou une progression claire
Ce travail de vulgarisation bienveillante est un atout professionnel fort, qui valorise votre posture de formateur.
Vers une posture réflexive du formateur
Accompagner une personne autiste ne repose pas sur une méthode figée, mais sur une posture réflexive : observer, s’adapter, interroger ses pratiques. Cette démarche est au cœur de la qualité pédagogique, et vous rapproche des critères du référentiel Qualiopi — notamment l’indicateur 26, dédié à l’accueil des publics en situation de handicap.
👉 Pour aller plus loin sur ce point, vous pouvez consulter cet article dédié :
Formateur indépendant : comment satisfaire aux critères Qualiopi ?
Exemple : Karim anime une formation en marketing digital. Une participante, Elsa, lui confie au bout de deux jours qu’elle est autiste et qu’elle se sent parfois perdue quand les consignes sont données de façon trop orale. Karim prend le temps d’observer ce qui coince, d’échanger avec elle et d’ajuster sa façon de présenter les exercices. Il en tire même des améliorations pour le reste du groupe.
Conclusion
Accompagner un adulte autiste en formation ne demande pas de tout réinventer, mais d’ajuster son cadre, sa posture et ses outils. En comprenant les spécificités du fonctionnement autistique, en favorisant la clarté et la prévisibilité, et en diversifiant les supports, chaque formateur peut rendre sa pédagogie plus inclusive, plus juste, et plus efficace pour tous.
Ces ajustements ne relèvent pas uniquement du bon sens : ils s’inscrivent pleinement dans les exigences de qualité de la formation professionnelle, notamment dans le cadre de Qualiopi. Mais surtout, ils permettent à chaque apprenant — autiste ou non — de trouver sa place dans le processus d’apprentissage.
À propos des auteurs de cet article
Geoffrey Sahuquet est pair aidant autiste, consultant et formateur.
Mathilde Fabre est éducatrice spécialisée libérale diplômée d’État.
Ils sont à l’initiative d’Autisme Soutien, un site dédié à l’accompagnement des adultes autistes, avec ou sans diagnostic.
Leur objectif commun : rendre visibles des besoins souvent mal compris, et proposer des repères concrets pour y répondre avec justesse.
